Com’Eau Labo
 

Quelle compréhension avons-nous des logiques de communication dans lesquelles s’inscrivent nos travaux et nos discours ?

Mobilisons-nous des logi­ques de com­mu­ni­ca­tion ou s’impo­sent-elles à nous ? La foca­li­sa­tion sur le contenu du mes­sage est certes impor­tante mais ne doit pas nous conduire à négli­ger ce que les lin­guis­tes appel­lent les autres fonc­tions, qui sont uti­li­sées sciem­ment ou incons­ciem­ment. Ces fonc­tions peu­vent être influen­cées par notre posi­tion­ne­ment indi­vi­duel, par le contexte socio-cultu­rel dans lequel nous conce­vons notre com­mu­ni­ca­tion ou encore par les fonc­tion­ne­ments ins­ti­tu­tion­na­li­sés et actuels de la recher­che. La dif­fi­culté est alors de trou­ver un usage juste des codes, de ne pas lais­ser le mes­sage nous échapper et à l’inverse de ne pas le déna­tu­rer par une uti­li­sa­tion abu­sive des prin­ci­pes de com­mu­ni­ca­tion, bas­cu­lant vers ce que cer­tains dénom­ment, par­fois avec un cer­tain mépris (à tort ou à raison), la « com ».

La langue de la communication

La langue appa­raît de manière évidente comme objet struc­tu­rant sur lequel nous devons tra­vailler.

- L’emploi du voca­bu­laire est un axe de réflexion que nous pro­po­sons. La ter­mi­no­lo­gie est sou­vent spé­cia­li­sée, au risque d’exclure des non-ini­tiés, par exem­ple par l’usage sys­té­ma­ti­que des sigles. Inversement le voca­bu­laire peut par­fois être adapté, au risque de modi­fier les concepts qui le sup­por­tent. La ques­tion de la langue uti­li­sée pose expli­ci­te­ment la ques­tion de la rela­tion entre com­mu­ni­ca­tion et cons­truc­tion de la connais­sance.
- L’usage de l’anglais pour la com­mu­ni­ca­tion scien­ti­fi­que, tel qu’il peut être encou­ragé par cer­tai­nes logi­ques de publi­ca­tion, cons­ti­tue un autre biais de ques­tion­ne­ment des codes lin­guis­ti­ques. L’anglais est-il adapté à toutes les connais­san­ces et à toutes les situa­tions de com­mu­ni­ca­tion ? Les concepts et plus lar­ge­ment la pensée cons­truite dans une langue est-elle trans­po­sa­ble sans perte de signi­fi­ca­tion dans une autre langue et cette trans­po­si­tion a-t-elle un sens ?

La relation émetteur / récepteur

La rela­tion entre l’émetteur et le récep­teur va au-delà d’une simple iden­ti­fi­ca­tion d’un des­ti­na­taire « cible ». La récep­tion du mes­sage dépend de son contenu et de la pos­ture adop­tée par l’émetteur, qui dépend elle-même du rap­port entre les inter­lo­cu­teurs en situa­tion de com­mu­ni­ca­tion.

- L’image et de la place du cher­cheur est à ques­tion­ner. La per­cep­tion de la légi­ti­mité de la parole scien­ti­fi­que ne joue-t-elle pas un rôle impor­tant, alors que le cher­cheur est par­fois exté­rieur au ter­ri­toire étudié et aux réseaux d’acteurs dans les­quels il inter­vient ? Il peut au contraire y être tota­le­ment inté­gré jouant un rôle social à part entière. Les deux posi­tions doi­vent être mises au cœur du débat et dis­cu­tées. Avons-nous une réelle cons­cience de l’impact du statut pro­fes­sion­nel qui nous incombe de fait ou que nous cons­trui­sons ?
- Le posi­tion­ne­ment indi­vi­duel est également un enjeu. La com­mu­ni­ca­tion, c’est également être capa­ble de se penser soi dans son rap­port à ses inter­lo­cu­teurs. La com­mu­ni­ca­tion scien­ti­fi­que est, comme toute situa­tion de com­mu­ni­ca­tion, un rap­port d’acteurs, un rap­port humain qui reste peut-être moins ques­tionné qu’il ne l’est dans l’exer­cice d’autres pro­fes­sions.

Les média de la communication

Les média par les­quels cir­cule la connais­sance sont aujourd’hui nom­breux, cer­tains appa­rais­sant comme incontour­na­bles. Il est impor­tant de porter un regard cri­ti­que sur ces sup­ports que nous uti­li­sons régu­liè­re­ment. Le choix du medium ne doit pas être guidé par la force de l’habi­tude.

- L’Internet est un outil de com­mu­ni­ca­tion aujourd’hui sans aucune mesure. Il offre une liberté à la com­mu­ni­ca­tion scien­ti­fi­que qu’elle n’a sans doute jamais eue. Il nous permet de « com­mu­ni­quer à » par les sites Internet clas­si­ques comme de « com­mu­ni­quer avec » à tra­vers notam­ment les blogs ou les forums de dis­cus­sion. Même les recher­ches por­tant sur la com­mu­ni­ca­tion de la recher­che mobi­li­sent ces outils à tra­vers des car­nets de recher­che ou de blogs ; ce qui est signe de l’inté­rêt incontes­ta­ble qui leur est porté.
- Les res­sour­ces infor­ma­ti­ques et tech­ni­ques uti­li­sées pour com­mu­ni­quer peu­vent être plus lar­ge­ment inter­ro­gées. L’uti­li­sa­tion sys­té­ma­ti­que du PowerPoint pour nos pré­sen­ta­tions orales ne cons­ti­tue-t-il pas un cadre d’expres­sion de la pensée trop rigide par exem­ple ? La réflexion pour­rait être enri­chie d’une étude de l’évolution des sup­ports de com­mu­ni­ca­tion orale, des exem­pliers au PowerPoint, en pas­sant par le trans­pa­rent rétro­pro­jeté.
- Les modes ins­ti­tu­tion­na­li­sés de la publi­ca­tion scien­ti­fi­que cons­ti­tuent une troi­sième ques­tion que nous sou­hai­tons abor­der. La liberté d’expres­sion et de réflexion n’est-elle pas contrainte par les for­mats impo­sés ? La ques­tion de la course à la publi­ca­tion comme mode de reconnais­sance scien­ti­fi­que, et des déri­ves qui décou­lent de ce sys­tème d’évaluation, doit également être posée. De même, l’accès aux publi­ca­tions par­fois oné­reux n’est-il pas contraire aux fins que beau­coup assi­gnent à la com­mu­ni­ca­tion scien­ti­fi­que ?

Notre réflexion peut enfin être ouverte sur ce qu’il est pos­si­ble d’appe­ler le prin­cipe de média­tion délé­guée. Le jour­na­lisme scien­ti­fi­que écrit, les jour­naux télé­vi­sés, les docu­men­tai­res sont autant de moyens de porter un dis­cours scien­ti­fi­que au grand public, mais aussi cer­tai­ne­ment au sein de la com­mu­nauté scien­ti­fi­que, vers des champs dis­ci­pli­nai­res autres. Le rap­port au contenu est alors dif­fé­rent dans la mesure où ce n’est plus celui qui pro­duit la connais­sance qui la trans­met.